mercredi, décembre 06, 2006

Leç. 39 - La visite (2)

Je vois que la leçon 38 a soulevé pas mal de commentaires. Beaucoup de nos gestes et comportements au quotidien sont faits de manière automatique sans calcul ni préméditation. Placés dans un contexte culturel différents, ils peuvent paraître étranges. Ce qui est vrai pour les gestes est vrai aussi pour les expressions : quand on dit "nchalla" en libanais ("in cha2a 'llah") ça veut dire "je l'espère" ou "j'espère (pour toi) que ça se réalisera". On ne pense pas nécessairemenent en le disant au sens originel qui mot-à-mot veut dire "si Dieu le veut" et qui est provient d'un héritage religieux (rien ne se passe sans la volonté de Dieux).
.
Il en va de même du rituel qui accompagne les "visites" au Liban. C'est, selon moi, le reliquat de pratiques sociales ancestrales. Prenons le cas du voyageur. Il y a encore à peine un siècle, partir en voyage c'était très dangereux : les routes peu sûres, les bandits, les naufrages, les maladies, les guerres... Lorsque quelqu'un quittait son village, c'était l'évènement. Les gens lui faisaient presque leurs adieux comme si c'était la dernière fois qu'ils le voyaient.


  • "Bon voyage" est remplacé souvent par "trou7 (ou) w terja3 bêssalémé"
    mot-à-mot = que t'ailles et que tu reviennes sain et sauf
Moi-même, la première fois où je suis parti en France pour continuer mes études, pendant toute une semaine, ce fut le défilé des cousins, cousines, voisins, amis... qui venaient me dire au revoir. A mon retour, c'était le défilé pendant une semaine des mêmes personnes mais qui venaient me souhaiter la bienvenue et me féliciter de mon retour sain et sauf. A mon retour, certains ne venaient pas le premier jour car, selon le proverbe :
  • essalém le'mni7, lamma yêstri7 = "la salutation correcte (ou bonne), une fois qu'il se repose" qu'on pourrait transposer par : va lui causer une fois reposé )
  • Il se repose = 3am yêrté7 (yêstri7 est correct mais trop littéraire)
  • salém = salutation
  • mes salutations = salaméte
    vous avez remarqué la ressemblance avec les "salamaleks" = salam 3alayk (la paix soit sur toi)
    i.e. : je ne viens pas en guerrier (encore une expression reliquat...)
  • La paix = es-salém
Evidemment, après une journée à dos d'âne, on a envie de dormir, de boire, de manger et non de recevoir des gens... Mais c'est resté malgré dans la qualité des transports modernes.
.
Le sens de l'hospitalité est bien ancré chez les moyens-orientaux. Le voyage était tellement dangereux que l'accueil d'un voyageur devait être à la hauteur. Dans le temps, chez les bédouins, par exemple, un voyageur devait être accueilli pendant 7 jours (logé nourri). Qui qu'il soit. Il doit même faire honneur d'accepter l'invitation si elle est "insistante". Les trois premiers jours, il était impoli de demander au voyageur de quelle tribu il était originaire (ça peut être une tribu ennemie). Au bout de sept jours, le voyageur devait quand même partir : il serait impoli de sa part de rester. De toute façon, on "le mettrait à la porte" après lui avoir rempli sa besace de nourriture, d'eau, d'habits... Ils espéraient bien-sûr que le même traitement sera fait à un membre de leur tribu qui serait égaré et accueilli par une autre tribu. Dans des conditions de vies extrêmes, se sont mis en place chez l'espèce (humaine) des codes de survie.

Ce qu'il en est resté de nos jours ? Lorsque quelqu'un nous rend visite, même s'il habite à côté, on lui offre à boire (jus d'orange, ...), à manger (fruits, patisserie, chocolats...), des cigarettes (de moins en moins car l'anti-tabagisme fait son chemin) sans oublier bien-sûr ... le café.

Le café constitue aujourd'hui le minimum de ce qu'il faut servir à un visiteur. Tant que le café n'est pas servi, il reste chez vous pour... ne pas vous vexer. Si vous avez oublié, au bout d'un moment, il fait mine de se lever pour partir, l'hôte qui repère son oubli s'exclame alors "asseyez-vous, nous n'avons même pas fait de café encore !

  • Quelle honte = ya 3ayb ech-choum
    mot-à-mot : ô impolitesse de malheur" mais ça peut aussi vouloir dire "pourquoi vous êtes pressé ? on s'amuse bien"
  • C'est impoli = tss, tss, tss,...3ayb
    a l'adresse d'un enfant qui fait des bêtises...

Au Liban, à l'époque féodale, la maison du seigneur était toujours remplie. L'expression consacrée, signe de leur importance, est : "leur maison ne se désemplit jamais". Mais si la maison ne se désemplit jamais, ça veut dire que le café est toujours sur le feu ! C'est pourquoi certaines grandes familles perpétuent une tradition jusqu'à nos jours et qui consiste à ne pas jeter tout le marc de café avant d'en refaire. Du coup, on entend "chez la famille X, vous buvez un café de 100 ans d'âge, chez telle de 150 ans...". Café très fort !!!

Le café est ce qu'on sert vraiment à la fin. Il est donc associé mentalement à la fin de la visite (les 7 jours sont passés, on a rempli ta besace, maintenant tu tu reprends tes affaires et tu t'en vas...). C'est pourquoi, selon la tradition, il ne faut pas le servir très vite. Il faut attendre un quart d'heure au moins. A moins que vous voulier... écourter certaines visites. Les visiteurs comprendront alors le message.

D'où le proverbe de Giovanni :
"Café servi très vite, écourte les visites"
ou encore
"Café servi, visite raccourcie"

mardi, décembre 05, 2006

Leç. 38 - La visite

Au Liban, rendre visite est un des actes importants de la vie sociale. Dans le temps, on sortait rarement de son quartier ou de son village, il n'y avait pas de cinéma, de café, la notion de "partir en vacances" n'existait pas. Quand j'étais petit, notre grande sortie consistait à prendre la voiture pour aller "rendre visite" ... à une autre famille, des amis de mes parents. On mettait nos beaux habits et on partait. Si les gens n'étaient pas chez eux, pas de problème, on allait rendre visite à d'autres. On savait qu'on allait nous servir du coca (boisson interdite en temps normal), du chocolat et qu'on allait jouer avec d'autres enfants s'ils étaient de notre âge...
Si vous partez en vacances chez des parents ou des amis au Liban, vous serez peut-être surpris par le nombre de visiteurs qui arrivent "à l'improviste", à toute heure, sans crier gare. Vous aviez des choses à faire : sortir, se prélasser, lire, regarder la télé... ? C'est foutu.
C'est d'autant plus énervant qu'à l'heure où le monde moderne est à la recherche de la plus grande productivité, où "Time is money / le temps c'est de l'argent", des gens viennent vous piquer votre temps (=argent) sans demander votre avis. Pourtant, vous qui avez un grand sens de la gestion du temps, vous aviez programmé votre séjour à la minute près. Vous aviez optimisé tous les parcours pour voir le maximum de choses dans une journé et ces gens viennent discuter de futilités. De quoi parle-t-on : du prix de la viande, du prix du dollars, du dernier modèle de friteuses, de la situation politique : on peste contre les hommes politiques qui nous emmènent vers le ravin...
Chose surprenante, vos amis ou vos parents ne les refoulent pas "gentiment" comme vous l'attendiez : ils les accueillent à bras ouverts avec des exclamations de joie "ya ahla, ya ahla... (bienvenue)", "charrafto... vous (nous) avez fait honneur".
Mon conseil : prenez votre mal en patience, asseyez-vous et observez à la manière d'un ethnologue le rituel ou le manège qui va suivre. Ca vaut le détour...
L'histoire d'aujourd'hui c'est celle de Karim qui rend visite à Samir.
  • visite = zyara
  • karim rend visite à Samir = karim 3am ya3mel zyara la samir
  • il a amené avec lui de la patisserie = jéb ma3o bé2léwa
  • Samir a ouvert la porte = samir fata7-el béb
  • S : "Ah ! c'est karim ! comment vas-tu mon gars" = yéh ! hayda karim ! kifak ya 3ammé (mon oncle) ou kifak ya zalamé !
  • K : Dieu merci (par nous), tout va bien = nêchkour alla, kêll chi tamém
Karim tend les patisseries à Samir.
  • S : C'est quoi ça "ya zalamé" ? = chou hayda ya zalamé ?
    "pourquoi tu t'es torturé" ? = la chou 3azzabett 7elak ?
    Une façon de dire "fallait pas"
  • K : Arrête ! "il n'y a rien de ta valeur !"= bass ba2a ! ma fi chi mên imtak !
    Juste quelques patisseries "à la va-vite"... = chwayyett 7élo 3al méché
    méché = en marchant, 3am bêmché = je marche
    * "les bras de la dame" (nom d'une patisserie) = znoud 'es-sett (sett veut aussi dire = grand-mère)
    * "mange et dis merci" (nom d'une patisserie) = kol w-echkor
    * "les yeux de la gazelle" = 3youn el maha
  • S : t'as pas honte ? tu viens dans ta maison !... = walawww ? enta jéy 3a baytak !...
    Qu'il garde tes mains (dieu), merci beaucoup = ysallem édék, merci ktir
    Je t'en prie/rentre = TFaDDal, foute

    à suivre...

lundi, décembre 04, 2006

Leç. 37 - Mariage

Chers amis : un lecteur "anonyme" s'apprête à faire sa demande de mariage à sa copine libanaise.
Vu l'urgence et l'importance du sujet, le thème de la leçon s'impose.
On aimerait connaître quand même la fin de l'histoire...


  • mariage = zawéj ou jawéz
    vous vous rappelez sûrement de "zawjé" = mon mari
  • Il l'a demandée en mariage = Talaba la' zzawéj
  • il a demandé sa main = Talab ida

Au Liban, même si la décision de se marier se prend à deux, il est encore d'usage (au moins pour une question de forme) d'aller "demander la main" de la fille à ses parents. et beaucoup de familles respectent encore cette tradition. Le garçon, accompagné de ses parents, rend visite à la fille et à ses parents pour la demander en mariage officiellement. L'esprit de cette visite est que, au-delà du couple, ce sont deux familles qui se rapprochent (le clan grandit) d'où l'expression usuelle pour demander officiellement la main de fille à ses parents :

  • "Nous demandons le rapprochement" = (ne7na) Talbin el 2êrb
    c'est normal puisque "faire partie de la famille" c'est être un "proche"
  • Nous sommes parents = ne7na arayeb

La chanson du chanteur "Ragheb 3alémé" dit :
"ragheb bi orbek, ana ragheb
Taleb rêDaki, ana Taleb"

traduction : je désire ta "proximité", je désire
J
e demande ton agrément, je demande
"réDa" signifie : la satisfaction de qq,... agrément

L'accord des parents est très important dans la culture orientale. Si les parents ne sont pas d'accord, ça peut mener à des situations de blocage. Certains couples se marient alors en cachette. On dit alors que la fille "est partie kidnappée". Ca sauve les apparences : elle aurait bien voulu respecter l'avis de ses parents, mais elle a été kidnappée par le fiancé ...

  • kidnapping = khatêf
  • elle s'est mariée en cachette = "partie kidnappée" = ra7ett khati

Je connais des histoires d'enfants qui se sont mariés contre l'avis de leurs parents et qui ne se sont plus parlés pendant des années voire plus jamais de leur vie. J'espère que je ne fais pas peur à notre lecteur anonyme avec mes histoires. Mais bon, il veut se marier avec une orientale...
Ce qui peut être positif pour certains est négatif pour d'autres : certains diraient "on est toujours bien entouré" là où d'autres diraient "on n'est jamais tranquille", certains diraient "on est submergé par l'amour" là où d'autres diraient "on est étouffé"...
Conclusion : il faut toujours chercher (et trouver) le bon côté.

Revenons au problème de notre "anonyme" lecteur.

  • J'ai envie de passer ma vie avec toi = baddé (je veux) Addé 7ayété ma3ek
  • Mon amour (ma vie!), et si on se mariait ? = 7ayété ! chou awlekk nettzawwaj ?
    chou awlek = ça te dit ?
    du verbe "él" = dire
    élilé : dis(e)-moi, éllé = dis-moi
  • Je voudrais que tu sois ma femme = beb ênnek tkouni marté
  • Il faut que tu me demandes à papa = zem TeTlobné mên el baba (ou "mên bayyé")
  • te demander à ton papa ?!!! = oTolbek mên bayyek ?
  • pourquoi ? = leich ?
  • il faut, il faut ?!!! = zem, akid ?!!! (genre "tu es sûre ?")
  • Je t'aime = ana b7ebbek
  • Tu(e) m'aimes ? = bet7ebbiné ?
    Tu m'aimes ? = bet7ebbné ?
  • mon amour (e) = ya 7abibté
    mon amour = ya 7abi
  • Retour vers le blog : Apprendre le libanais>>

    dimanche, décembre 03, 2006

    Leç. 36 - Je t'aime / ana b7ebbek / I love you

    Une leçon que certains attendaient avec impatience. Vous savez déjà comment dire "je t'aime". Voyons à présent les expressions qui vont avec (mon amour, mon trésor, ma chérie...) :


    • Je t'aime (à la fille) = ana b7ebbek
    • Je t'aime (au garçon) = ana b7ebbak
      .
      Remarquez la racine "7ebb". On la retrouvera dans
    • 7obb = amour
      7obbê = mon Amour ("7obbê" peut remplacer le prénom pour appeler)
      7abibê = mon amoureux
      7abibtê = mon amoureuse
      .
      A "Mon trésor" qui a une connotation très matérielle, le libanais préfère remplacer par ce qu'on a de plus cher : sa vie, son âme, son coeur, son oeil (mon oeil!) ...

    • rou7ê = mon âme
      âme = rou7 (comme l'impératif "vas-t'en!")
      .
      Une chanson bien connue dans le monde arabe :
      "
      7abibê enta, w rou7ê enta.
      la 7addi ablak wala ba3dak, enta...
      "
      Trad. : tu es mon amour toi, et mon âme. Aucune personne ne t'a précédé et aucune personne ne te succédera...
      Remarquez :
      7add = contraction de wa7ad (contracté en égyptien)
      wala ou la = aucun. wala wa7ad = aucune personne
      .
      abel = avant, ba3ed =
      après
      on y reviendra...
    • 7ayété = ma vie (peut servir d'interjection : "7ayété ? si on allait au ciné ?...")
      Vous connaissez peut-être le prénom "7ayate" = vie (en arabe littéraire).
      En libanais, pour désigner la vie, on dira "7ayéte"
      La vie est difficile = el-7ayéte so3bé
      .
    • Mon coeur = albé (on peut appeler son amoureux(se) : "albé" ou "ya 2albé")
      coeur = alb
      J'aime les Alpes ("Albes"), ce sont les montagnes de mon [coeur = alb]
      .
    • Mon oeil = 3ayné
      Eh oui ! Si vous dîtes "mon oeil" à quelqu'un, ça ne veut pas dire que vous mettez en doute ce qu'il dit. C'est un mot d'amour ou de tendresse !
      ex : "Ya Tony, ya 3ayné... calme-toi. Ca ne vaut pas la peine de t'énerver..."
      .
      Mais ça peut s'utiliser pour la moquerie :
      ya 3ayné ! = "quelle horreur !" ou "n'importe quoi"
      sous-entendu = Ô mon oeil, je te plains de voir ça !
    Retour vers le blog : Apprendre le libanais>>