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Il en va de même du rituel qui accompagne les "visites" au Liban. C'est, selon moi, le reliquat de pratiques sociales ancestrales. Prenons le cas du voyageur. Il y a encore à peine un siècle, partir en voyage c'était très dangereux : les routes peu sûres, les bandits, les naufrages, les maladies, les guerres... Lorsque quelqu'un quittait son village, c'était l'évènement. Les gens lui faisaient presque leurs adieux comme si c'était la dernière fois qu'ils le voyaient.
- "Bon voyage" est remplacé souvent par "trou7 (ou) w terja3 bêssalémé"
mot-à-mot = que t'ailles et que tu reviennes sain et sauf
- essalém le'mni7, lamma yêstri7 = "la salutation correcte (ou bonne), une fois qu'il se repose" qu'on pourrait transposer par : va lui causer une fois reposé )
- Il se repose = 3am yêrté7 (yêstri7 est correct mais trop littéraire)
- salém = salutation
- mes salutations = salaméte
vous avez remarqué la ressemblance avec les "salamaleks" = salam 3alayk (la paix soit sur toi)
i.e. : je ne viens pas en guerrier (encore une expression reliquat...) - La paix = es-salém
.Le sens de l'hospitalité est bien ancré chez les moyens-orientaux. Le voyage était tellement dangereux que l'accueil d'un voyageur devait être à la hauteur. Dans le temps, chez les bédouins, par exemple, un voyageur devait être accueilli pendant 7 jours (logé nourri). Qui qu'il soit. Il doit même faire honneur d'accepter l'invitation si elle est "insistante". Les trois premiers jours, il était impoli de demander au voyageur de quelle tribu il était originaire (ça peut être une tribu ennemie). Au bout de sept jours, le voyageur devait quand même partir : il serait impoli de sa part de rester. De toute façon, on "le mettrait à la porte" après lui avoir rempli sa besace de nourriture, d'eau, d'habits... Ils espéraient bien-sûr que le même traitement sera fait à un membre de leur tribu qui serait égaré et accueilli par une autre tribu. Dans des conditions de vies extrêmes, se sont mis en place chez l'espèce (humaine) des codes de survie.
Ce qu'il en est resté de nos jours ? Lorsque quelqu'un nous rend visite, même s'il habite à côté, on lui offre à boire (jus d'orange, ...), à manger (fruits, patisserie, chocolats...), des cigarettes (de moins en moins car l'anti-tabagisme fait son chemin) sans oublier bien-sûr ... le café.
Le café constitue aujourd'hui le minimum de ce qu'il faut servir à un visiteur. Tant que le café n'est pas servi, il reste chez vous pour... ne pas vous vexer. Si vous avez oublié, au bout d'un moment, il fait mine de se lever pour partir, l'hôte qui repère son oubli s'exclame alors "asseyez-vous, nous n'avons même pas fait de café encore !
- Quelle honte = ya 3ayb ech-choum
mot-à-mot : ô impolitesse de malheur" mais ça peut aussi vouloir dire "pourquoi vous êtes pressé ? on s'amuse bien" - C'est impoli = tss, tss, tss,...3ayb
a l'adresse d'un enfant qui fait des bêtises...
Au Liban, à l'époque féodale, la maison du seigneur était toujours remplie. L'expression consacrée, signe de leur importance, est : "leur maison ne se désemplit jamais". Mais si la maison ne se désemplit jamais, ça veut dire que le café est toujours sur le feu ! C'est pourquoi certaines grandes familles perpétuent une tradition jusqu'à nos jours et qui consiste à ne pas jeter tout le marc de café avant d'en refaire. Du coup, on entend "chez la famille X, vous buvez un café de 100 ans d'âge, chez telle de 150 ans...". Café très fort !!!
Le café est ce qu'on sert vraiment à la fin. Il est donc associé mentalement à la fin de la visite (les 7 jours sont passés, on a rempli ta besace, maintenant tu tu reprends tes affaires et tu t'en vas...). C'est pourquoi, selon la tradition, il ne faut pas le servir très vite. Il faut attendre un quart d'heure au moins. A moins que vous voulier... écourter certaines visites. Les visiteurs comprendront alors le message.
"Café servi très vite, écourte les visites"
ou encore
"Café servi, visite raccourcie"